Résultats de l’enquête réalisée auprès des manipulateurs, cadres, physiciens et oncoradiothérapeutes exerçants dans les services de radiothérapie publics et privés en France (avril – juillet 2021)
Commission radiothérapie de l’AFPPE
Cette enquête avait pour objectif de faire un état des lieux du métier de manipulateur en radiothérapie dans un contexte de pénurie d’effectif liée, en partie, à un manque d’attractivité de la spécialité.
Nous avons souhaité mettre en lumière les activités exercées aujourd’hui par les manipulateurs en radiothérapie, connexes au décret de compétences métier, mais aussi celles qui pourraient l’être demain afin d’en définir les opportunités de formations existantes ou à venir, ouvrant vers de nouvelles perspectives de carrières.
Un lien Google Forms a été envoyé auprès des cadres des 172 centres de radiothérapie français.
Cet envoi a été relayé par les réseaux sociaux, l’AFPPE, le CNPMEM, la SFRO, la SFPM
Réponses obtenues :
- Manipulateurs : 443
- Cadres : 60
- Oncoradiothérapeutes / Physiciens : 176
Questions posées sur :
- La formation initiale
- L’accueil des nouveaux manipulateurs
- La formation continue
- Les rôles du manipulateur aujourd’hui
- Les évolutions de carrière
- La connaissance des instances qui représentent les manipulateurs
La formation initiale
43 % des manipulateurs estiment que le contenu de la formation initiale est incomplet ou non pertinent et 40,9 % estiment la durée des stages insuffisante
Les manipulateurs souhaiteraient :
- Plus d’enseignements donnés par les MER (28,3 %)
- Plus de stages en radiothérapie (22,5 %)
- Des stages d’une durée supérieure à 6 semaines (76%)
- Plus d’heures d’enseignement en radiothérapie (22,5 %)
- Plus de cours centrés sur les nouvelles techniques (16,6 %)
- Des mises en situations professionnelles (17,1 %)
- Plus de cours en lien avec le rôle soignant du manipulateur (10,7 %) (Accompagnement, consultation d’annonce, soins de support...)
46,7 % des cadres estiment que le contenu de la formation initiale est incomplet ou non pertinent et 65% estiment la durée des stages insuffisante.
Suggestions des cadres :
- Plus d’enseignements donnés par les MER (23 %)
- Des mises en situations professionnelles (23 %)
- Des durées de stage plus importantes
- Des stages d’une durée supérieure à 6 semaines (45 %)
- Des enseignements plus approfondis sur les nouvelles techniques, des stages après les apports théoriques, des stages plus courts et plus fréquents.
49,4 % des physiciens et des oncoradiothérapeutes estiment que le contenu de la formation initiale est incomplet ou non pertinent, 74,4 % pensent que la formation actuelle commune aux 3 spécialités est pertinente pour :
- Une richesse de la polyvalence
- Un lien important entre imagerie et radiothérapie
- Des réponses aux problèmes d’effectifs
- Une possibilité de spécialisation, 48,3 % sont favorables à une spécialisation
Commentaires commission radiothérapie
Nous constatons que toutes les réponses convergent vers une formation initiale incomplète ou non pertinente. La réingénierie des études de manipulateurs est relativement récente (2012) avec une formation commune à l’imagerie et la radiothérapie. L’obtention du diplôme (DE, DTS) confère le grade de licence. Les oncoradiothérapeutes et physiciens plébiscitent cette formation commune qu’ils jugent pertinente.
Il ressort également de cette enquête que le rôle des manipulateurs sur le terrain devrait être plus important dans la formation initiale (mise en situation professionnelle) avec un nombre d’heures de stage conséquent, accompagné de cours sur les nouvelles techniques développées dans les services.
Propositions de la commission radiothérapie
- Développer les habilitations graduées pour effectuer des tâches de plus en plus complexes, liées aux formations délivrées)
- Accompagner systématiquement les recrutements avec une formation interne dans le service, assurée par les médecins, les physiciens et les manipulateurs
- A partir des objectifs des UE qui concerne la radiothérapie, constitution d'un groupe d'enseignants et formateurs pour travailler sur des recommandations quant au contenu de l'enseignement (à partir du RTT Core curriculum de l'ESTRO/ IAEA).
L’accueil des nouveaux manipulateurs - La formation continue
93,2 % des manipulateurs et des cadres confirment la formation assurée par le constructeur à l’installation d’un nouvel appareil. Il en est de même lors de la mise en place d’une nouvelle technique, où la formation est assurée soit par des membres du personnel, soit en externe.
45 % des manipulateurs et des cadres attestent d’une formation complémentaire pour les nouveaux manipulateurs arrivants. Ce besoin de formation complémentaire est confirmé par 81,8 % des physiciens et des oncoradiothérapeutes et 48 % assurent cette formation dans leur service.
Commentaires commission radiothérapie
L’installation de nouveaux équipements est accompagnée d’une formation assurée par le constructeur. Cette formation sur site dans la majorité des cas, est faite avant le démarrage de l’équipement concerné mais, compte tenu des effectifs et de l’organisation du service, ne concerne qu’un nombre restreint de manipulateurs.
Propositions de la commission radiothérapie
- Prévoir, avec les constructeurs, des sessions de formation « piqûre de rappel », pour que les manipulateurs puissent faire part de leur retour d’expérience.
Pour les nouvelles techniques déployées, l’enquête montre qu’une formation complémentaire est largement dispensée.
- Généraliser les formations complémentaires en intra lors de toutes nouveautés, impactant la sécurité des traitements.
Pour une formation continue plus généraliste, les manipulateurs qui ont répondu à l’enquête n’abordent pas cet aspect, le manque d’effectif pourrait l’expliquer.
Les rôles du manipulateur aujourd’hui (activités connexes)
Pour les manipulateurs et les cadres, la population des manipulateurs s’investit dans :
- La consultation paramédicale
- Les soins de support
- L’éducation thérapeutique
Pour les manipulateurs, l’enseignement tient une place importante dans :
- l’encadrement des étudiants en stage
- Les interventions dans les instituts de formation manipulateurs (heures de cours en moyenne comprises entre 1 et 10). Cet enseignement concerne principalement l’activité technique.
Pour les cadres, le manque d’effectif est délétère pour l’organisation de ces activités.
Les rôles du manipulateur aujourd’hui (évolutions techniques)
Les oncoradiothérapeutes et les physiciens mettent en avant l’investissement des manipulateurs dans les évolutions techniques notamment :
- L’IGRT, radiothérapie guidée par l’imagerie (83 %)
- La radiothérapie stéréotaxique (67,6 %)
- La validation des images (62,5 %)
- La radiothérapie adaptative (57,4 %)
Ils sont très favorables (88,6 %) à étendre la délégation de certaines tâches dans un cadre réglementaire après une formation adaptée, notamment dans la validation des images de repositionnement, le contourage des OAR, la consultation pendant le traitement...
Les rôles du manipulateur aujourd’hui (place de la recherche)
92,6 % des manipulateurs répondants pensent devoir être impliqués dans la recherche mais seuls 8,4 % le sont réellement (temps passé entre 1h par mois et 15h par semaine). A noter un temps plein ARC.
Les cadres (95 %) pensent également que les manipulateurs devraient être impliqués dans la recherche comme ARC ou investigateur.
L’absence d’investissement dans la recherche est liée :
- Au manque d’effectif, de temps
- Au manque d’enseignement
- A l’absence de proposition dans le service
- Au manque d’opportunité, d’intérêt.
Pour les oncologues radiothérapeutes et les physiciens, les avis sont plus mitigés, oui 43,2 %, peut-être 47,7 %, non pour 9,1 %
NON :
- Manque de connaissance théorique, pas le temps
PEUT ÊTRE :
- Intéressant d’avoir leur point de vue
- Problème lié à la formation
- Selon motivation, selon le thème ou le type de recherche
OUI :
- Recherche clinique, paraclinique, PHRIP évaluation de nouvelles techniques en lien avec son métier
- Tous les acteurs sont concernés, besoin du point de vue du manipulateur
- Comme ARC, 40,3 % des répondants ont déjà intégré des manipulateurs dans leurs travaux de recherche.
Commentaires commission radiothérapie
Les manipulateurs répondent unanimement à ce besoin d’être impliqués dans la recherche mais très peu d’entre eux le sont réellement. Les cadres mettent en avant le manque de temps et de formation pour que le manipulateur s’implique dans cette activité.
Pour les médecins et les physiciens les réponses sont moins tranchées mettant en avant le manque de formation.
L’universitarisation de la profession ne pourra se réaliser sans un développement de travaux de recherche propres à la profession. La DGOS soutient depuis 2010 des PHRIP (Programme hospitalier de recherche infirmière et paramédicale) accessibles aux manipulateurs.
Proposition commission radiothérapie :
- L’émergence d’une culture de recherche initiée par la réingénierie des études de manipulateur doit se traduire par une participation plus active des manipulateurs à ces programmes. Les cadres doivent être les porteurs de ces projets et favoriser les initiatives.
Les rôles du manipulateur aujourd’hui (activités connexes et techniques)
Commentaires commission radiothérapie :
Pour les manipulateurs, les tâches complémentaires effectuées concernent essentiellement le soin autour du patient qu’ils accompagnent au quotidien et l’encadrement des étudiants en stage.
Les oncoradiothérapeutes mettent en avant le développement des nouvelles techniques et la nécessité de mettre en place des délégations de certaines tâches après une formation adaptée.
Pour les cadres, à nouveau, le manque d’effectif est délétère à un développement durable.
Propositions commission radiothérapie :
- Prendre en compte les activités connexes à l’activité de traitement effectuées par les manipulateurs, en les répertoriant et en les quantifiant. Une augmentation raisonnable des effectifs est à prévoir (liée bien entendu à l’augmentation du nombre de manipulateurs en formation initiale)
- Développer les protocoles de coopération pour les activités techniques liées au traitement (validation imagerie, recalage, contourage ...) mais aussi les pratiques avancées incluant le domaine du soin qui permettront d’accompagner les besoins grandissants d’expertise
- Favoriser l'émergence de parcours professionnels avec une expertise ciblée (Education thérapeutique, Accompagnement Psycho-Onco, expertise nouvelles technologie etc.) à travers un mentorat et l'accession facilités aux formations diplômantes existantes (DU ETP, DU Psycho Onco, DU et Master Pratiques avancées etc.)
Les évolutions de carrière (hors poste d’encadrement)
Les Oncoradiothérapeutes et les physiciens ont répondu :
- Dosimétriste (83,5 %)
- Les pratiques avancées (67,6 %)
- La coordination (58 %)
- La recherche (38,1 %)
Pour 80,1 % d’entre eux, la pratique avancée aurait sa place en radiothérapie.
Pour les manipulateurs et les cadres,75 % mettent en avant la coordination (sans en définir clairement les contours).
Commentaires commission radiothérapie
La création du métier de dosimétriste citée par les physiciens est, nous l’espérons, en voie d’être résolue.
Dans leur rapport, les inspecteurs de l’IGAS (mars 2021 https://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2020-063r-rapport.pdf) le mentionnent indépendamment de la réflexion sur la pratique avancée. Un certain nombre de Masters acceptent les manipulateurs radio mais aucun n’est spécifique à notre spécialité. La pratique avancée (Décret n° 2018-633 du 18 juillet 2018 relatif au diplôme d’Etat d’infirmier en pratique avancée et l’Arrêté du 18 juillet 2018 relatif au régime des études en vue du diplôme d’Etat d’infirmier en pratique avancée) nous ouvre la voie. La pratique avancée vise un double objectif : améliorer l’accès aux soins ainsi que la qualité des parcours des patients, en réduisant la charge de travail des médecins sur des pathologies ciblées. Elle favorise la diversification de l’exercice des professionnels paramédicaux et débouche sur le développement des compétences vers un haut niveau de maîtrise, condition sine qua none de reconnaissance. C’est une possibilité de progression dans la carrière de l’activité clinique. Les opportunités de développement des pratiques avancées sont relatives au contexte, aux compétences et à la collaboration entre professionnels. Les manipulateurs et les médecins mettent en avant la pratique avancée et la coordination du parcours de soin des patients. Les inspecteurs de l’IGAS mettent l’accent « sur les parcours professionnels, avec des perspectives d’évolution qui sont limitées pour ceux qui souhaitent rester dans le soin car il n’existe notamment pas de diplômes de spécialités comme chez les infirmiers (anesthésie, bloc opératoire, puériculture) ou de pratiques avancées ».
Proposition commission radiothérapie :
- Nous nous appuyons sur l’article 119 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé qui a ouvert la possibilité, pour les auxiliaires médicaux d'exercer en pratique avancée au sein d'une équipe de soins primaires, coordonnée par le médecin traitant au sein d'une équipe de soins en établissement de santé ou médico-social, coordonnée par un médecin ou en assistance d'un médecin spécialiste en pratique ambulatoire, pour proposer que les manipulateurs de radiothérapie, titulaire du Master 2 de pratiques avancées en cancérologie (Master Santé parcours PAS-CAL - Pratiques avancées en soins en oncologie), soit reconnue à l’instar de nos collègues infirmiers (définition des domaines d’intervention en pratiques avancées, des conditions et des règles de l’exercice en pratique avancée, de la nature du diplôme et de ses modalités d’obtention fixées par décret). Cette activité serait tournée vers la coordination du parcours de soins (radiothérapie – chimiothérapie, radiothérapie – curiethérapie, proposition de soins de support...) et les consultations per radiothérapie. Un premier pas est franchi avec l’ouverture en 2022, d’un Diplôme Universitaire de pratiques avancées pour les manipulateurs de radiothérapie.
La connaissance des instances qui les représentent :
98,4 % des manipulateurs répondants connaissent l’AFPPE mais seuls 35,4 % connaissent la commission radiothérapie de l’AFPPE, 10,8 % le CNPMEM et 1,4 % l’UIPARM.
Leurs attentes :
- Reconnaissance, revalorisation
- Evolution de la profession en radiothérapie
- Soutien et défense du métier auprès des instances
- Communication, information
- Formation, partage d’expériences
- Améliorer la connaissance de leur métier
98,3 % des cadres répondants connaissent l’AFPPE, 68,3 % connaissent la commission radiothérapie de l’AFPPE, 21,7 % le CNPMEM, 6,7 % l’UIPARM.
Leurs attentes :
- Communication, information
- Contribution aux travaux sur les possibilités d’évolution professionnelle
- Connaissance et reconnaissance de la profession
- Représentation auprès des instances
Chez les oncoradiothérapeutes et les physiciens, 69,9 % connaissent l’AFPPE, 10,8 % connaissent le CNPMEM.
Commentaires commission radiothérapie
L’AFPPE est connue par la majorité des répondants à notre enquête. En revanche, peu connaissent la commission radiothérapie. Leurs attentes sont légitimes (communication, connaissance et reconnaissance de notre profession, représentativité...). Le CNPMEM est, pour sa part, moins connu et l’UIPARM encore moins.
Propositions commission radiothérapie :
- Communiquer davantage sur nos travaux (AFPPE, CNPMEM) via notre revue professionnelle.
- Être à l’écoute des instances décisionnaires (DHOS, ASN, Sociétés savantes) afin de diffuser rapidement l’information.
Les réseaux sociaux sont aujourd’hui les grands vecteurs de l’information mais l’adhésion à l’AFPPE et la lecture de la revue ou la consultation du site internet (idem CNPMEM) permettent généralement aux manipulateurs assidus, de prendre connaissance des faits nouveaux ou décisions les concernant.
Conclusion
Cette enquête, réalisée auprès des principaux acteurs des services de radiothérapie, est une première.
Malgré le faible pourcentage de répondants parmi les manipulateurs, elle démontre que la formation initiale est un socle de connaissances qui doit être étayée par des formations complémentaires et adaptées au sein des services recruteurs. Elle permet de confirmer que les manipulateurs ont étendu leur champ d’action au-delà des activités propres au traitement, en développant des compétences techniques, en regard des évolutions technologiques. La radiothérapie d’aujourd’hui est encore caractérisée comme innovante et les manipulateurs ne sont pas en reste pour collaborer avec les médecins et les physiciens au quotidien.
Le soin prend une place importante dans l’activité du manipulateur en radiothérapie et nous pensons que cette compétence est pour beaucoup dans l’attractivité de notre spécialité. Les manipulateurs doivent s’investir davantage dans la recherche clinique et le temps nécessaire doit leur être alloué.
Les opportunités d’évolution ne sont, à ce jour, pas nombreuses, mais la prise de conscience des problèmes de démographie médicale, l’augmentation du nombre de patients en traitement, et la rigueur imposée dans la surveillance de ces patients, nous permet de proposer notre aide aux médecins. La pratique avancée dans cette surveillance constituerait pour les manipulateurs une réelle opportunité.